Les funérailles du bourgmestre Emile de Lalieux

Samedi 24 avril 1920

Au sortir de la Première Guerre mondiale, le 24 avril 1920, la population nivelloise a pu enfin rendre un dernier hommage à celui qui fut leur représentant pendant presque 23 ans, le plus long mandat mayoral. Il partage avec Jules Mathieu le privilège d’y avoir accédé à l’âge le plus jeune : 33 ans.

 

Émile de Lalieux est décédé le 7 septembre 1918 en Suisse à Ouchy, près de Lausanne – où il avait été transféré pour maladie le premier décembre 1916 grâce à l’intervention de la Croix-Rouge – après avoir connu les rigueurs de la déportation en Allemagne. Sa dépouille mortelle ne fut ramenée à Nivelles que le samedi 24 avril 1920, jour de la cérémonie officielle et religieuse. Son corps fut ensuite transporté dans le caveau de famille à Feluy avant d’être transféré à Nivelles où il repose toujours.

 

Il fut arrêté le 3 avril 1915 pour avoir, en sa qualité de bourgmestre, distribué des secours aux ouvriers des chemins de fer qui refusaient de travailler pour l’ennemi. De plus, il n’a pas voulu livrer la liste des chômeurs de la ville. Il purgera 4 mois d’emprisonnement à Nivelles et sera ensuite déporté vers l’Allemagne le 3 août 1915 comme « indésirable ».

 

Émile de Lalieux fut blessé dans son sein. Il perdit un enfant alors que celui-ci était à peine âgé d’un an. Son fils Louis, volontaire de guerre, est décédé le 14 septembre 1917 des suites de blessures occasionnées alors qu’il commandait un avant-poste dans le secteur de Dixmude. Il avait 23 ans.

 

À l’instar de François Lebon qu’il a côtoyé, Émile de Lalieux s’est beaucoup occupé de la gent ouvrière. Il a créé « Patria », une institution pour les jeunes et les ouvriers, a fondé le « prêt à l’ouvrier », présidé la « Ligue des Capacitaires ». Son épouse, Maria Simonis, fut la première Conseillère Communale de Belgique.

 

Sait-on que les 24 apas furent construits sous l’égide d’Émile de Lalieux ?

 

Fait rarissime : sait-on que la rue « Émile de Lalieux » existait déjà de son vivant, donc bien avant l’inauguration de la place du même nom qui eut lieu le 17 mai 1931 ? « L'Union libéale » de 1906 nous apprend qu’elle était située 10 mètres plus haut que la rue Piroux (actuelle rue Général Leman). Il s’agit donc de l’actuelle rue Castelain qui prit ce nom en 1909 comme nous le rappelle Jean Vandendries dans « Les rues de Nivelles de A à Z».

 

 

Les funérailles solennelles d'Emile de lalieu de la Rocq

 (Article paru dans Le Publicateur du 1er mai 1920)

 

Samedi 24 avril, la population nivelloise tout entière a salué la dépouille mortelle de notre ancien et regretté bourgmestre Monsieur Émile de Lalieux de La Rocq.

 

Dès onze heures du matin, le corps fut exposé à l’hôtel de ville, mais l’enterrement proprement dit n’eut lieu que l’après-midi. Vers deux heures, toutes les autorités qui assistaient à la cérémonie se trouvaient réunies devant le corps.

 

Après le discours de Monsieur Ruzette, ministre de l’Agriculture et représentant le Gouvernement, Monsieur Brunet, président de la Chambre, prit la parole au nom du Parlement : La Chambre des Représentants, dit-il, dérogeant à la tradition, a accueilli l’invitation que lui avait adressé la municipalité de Nivelles. Elle a tenu, en s’associant à ces émouvantes funérailles, à apporter au grand citoyen dont la dépouille mortelle est restituée à la terre de Belgique l’hommage de son estime affectueuse, de sa vive reconnaissance et de sa profonde admiration.

 

En vérité, la cérémonie qui est consacrée à la mémoire de celui qui, durant l’occupation, fut investi de la première magistrature de la ville de Nivelles, dépasse le cadre des témoignages de reconnaissance habituellement décernés à ceux dont la vie fut dominée par la passion du bien public.

 

Et voici que nous viennent à l’esprit le souvenir de l’effroyable tragédie que vécut la Patrie, le rappel des atroces brutalités de l’oppresseur, de ses exactions sans nombre, des violences qu’il prémédita froidement pour tenter de vaincre l’indomptable résistance de nos populations.

 

Émile de Lalieux fait face à l’occupant. Il demeure stoïque. L’âme reste forte, dominée par le sentiment du devoir. La prison ne l’abat point. Les tortionnaires songent à quelques raffinements de cruauté.

 

C’est l’envoi là-bas, bien loin, dans les geôles allemandes. Le crime qui sert de prétexte à cette déportation n’est pas révélé au vaillant bourgmestre pour que celui-ci ne puisse pas mesurer l’étendue du châtiment avec un courage invincible.

 

Quelle page resplendissante figurera dans notre histoire ? Consacrée à la vaillance de nos magistrats, elle dira à la postérité ce que fut la lutte qu’ils menèrent durant l’occupation au péril de leur liberté et parfois, ce fut le cas pour de Lalieux, au prix de leur vie. Que la Patrie leur en garde une impérissable gratitude.

 

Après ces paroles prononcées par Monsieur Brunet, ce fut le tour de Monsieur Pastur, député catholique de l’arrondissement de Nivelles, au nom de ses collègues. Monsieur l’avocat Debloudts parla au nom des déportés politiques, compagnons d’infortune de celui dont on célébrait la mémoire.

 

Enfin, Monsieur Pierre de Burlet, notre sympathique bourgmestre, termina la série des discours en faisant l’éloge de son prédécesseur et ami. Il rappela lui aussi les souffrances du martyr. Il rendit hommage à son patriotisme et à sa vaillance.

 

La levée du corps eut lieu ensuite. Parmi les personnalités qui accompagnèrent celui-ci, on put remarquer, outre les orateurs précités, Messieurs Adolphe Max et Jacqmain, le général Hanoteau, représentant du roi ; Messieurs Jourez, Mathieu et Allard, représentants de l’arrondissement de Nivelles ; Messieurs Beco, gouverneur du Brabant, Mathieu, président du Conseil Provincial et Gheude, député permanent ; Monsieur Levie, ministre d’État et le commandant Masui de notre école régimentaire des Grenadiers dont le régiment, colonel en tête, rendait les honneurs. Toutes les autorités communales de la ville et des communes avoisinantes assistaient également à la cérémonie ains que les ouvriers et employés de l’arsenal de Luttre, venant remercier Monsieur de Lalieux de les avoir secourus pendant l’occupation. Toutes les sociétés de la ville accompagnèrent également le corps. Celui-ci, après les absoutes célébrées en la collégiale Sainte-Gertrude, fut dirigé vers Feluy, entre deux haies de soldats et suivi jusque dans la campagne par une foule nombreuse et recueillie.